Dans notre groupe dialogue et liberté, nous avons suivi la campagne pour les élections européennes et pris connaissance du résultat du vote. Interpellés par ce résultat, nous avons consacré la dernière rencontre de l'année à mettre en commun nos réflexions, en partant de textes que les uns ou les autres avaient lus ces dernières semaines. Certains d'entre eux méritent particulièrement d'être médités.
Ainsi le texte du discours de Victor Hugo , lors de l'ouverture du Congrès de la paix , le 21 août 1849 (Actes et paroles. /. Hetzel. 1882.)
Quel visionnaire !
MESSIEURS,
SI QUELQU'UN, IL Y A QUATRE SIÈCLES, à l'époque où la guerre existait de
commune à commune, de ville à ville, de province à province, si quelqu'un eût
dit à la Lorraine, à la Picardie, à la Normandie, à la Bretagne, à l'Auvergne,
à la Provence, au Dauphiné, à la Bourgogne : Un jour viendra où vous ne vous
ferez plus la guerre, un jour viendra où vous ne lèverez plus d'hommes d'armes
les uns contre les autres, un jour viendra où l'on ne dira plus : Les Normands
ont attaqué les Picards, les Lorrains ont repoussé les Bourguignons.
Vous aurez bien encore des différends à régler, des intérêts à débattre, des contestations à résoudre,
mais savez-vous ce que vous mettrez à la place des hommes d'armes ? Savez-vous ce que vous mettrez à la place des gens de pied et de cheval, des canons, des fauconneaux, des lances, des piques, des épées ? Vous mettrez une petite boîte de sapin que vous appellerez l'urne du scrutin, et de cette boîte il sortira, quoi ? Une assemblée ! une assemblée en laquelle vous vous sentirez tous vivre, une assemblée qui sera comme votre âme à tous, un concile souverain et populaire qui décidera, qui jugera, qui résoudra tout en loi, qui fera tomber le glaive de toutes les mains et surgir la justice dans tous les cœurs, qui dira à chacun : Là finit ton droit, ici commence ton devoir. Bas les armes ! Vivez en paix ! Et ce jour-là, vous vous sentirez une pensée commune, des intérêts communs, une destinée commune ; vous vous embrasserez, vous vous reconnaîtrez fils du même sang et de la même race ; ce jour-là, vous ne serez plus des peuplades ennemies, vous serez un peuple ; vous ne serez plus la Bourgogne, la Normandie, la Bretagne, la Provence, vous serez la France. Vous ne vous appellerez plus la guerre, vous vous appellerez la civilisation ! Si quelqu'un eût dit cela à cette époque, messieurs, tous les hommes positifs, tous les gens sérieux, tous les grands politiques d'alors se fussent écriés : - Oh ! le songeur ! Oh ! le rêve-creux ! Comme cet homme connaît peu l'humanité !
Vous aurez bien encore des différends à régler, des intérêts à débattre, des contestations à résoudre,
mais savez-vous ce que vous mettrez à la place des hommes d'armes ? Savez-vous ce que vous mettrez à la place des gens de pied et de cheval, des canons, des fauconneaux, des lances, des piques, des épées ? Vous mettrez une petite boîte de sapin que vous appellerez l'urne du scrutin, et de cette boîte il sortira, quoi ? Une assemblée ! une assemblée en laquelle vous vous sentirez tous vivre, une assemblée qui sera comme votre âme à tous, un concile souverain et populaire qui décidera, qui jugera, qui résoudra tout en loi, qui fera tomber le glaive de toutes les mains et surgir la justice dans tous les cœurs, qui dira à chacun : Là finit ton droit, ici commence ton devoir. Bas les armes ! Vivez en paix ! Et ce jour-là, vous vous sentirez une pensée commune, des intérêts communs, une destinée commune ; vous vous embrasserez, vous vous reconnaîtrez fils du même sang et de la même race ; ce jour-là, vous ne serez plus des peuplades ennemies, vous serez un peuple ; vous ne serez plus la Bourgogne, la Normandie, la Bretagne, la Provence, vous serez la France. Vous ne vous appellerez plus la guerre, vous vous appellerez la civilisation ! Si quelqu'un eût dit cela à cette époque, messieurs, tous les hommes positifs, tous les gens sérieux, tous les grands politiques d'alors se fussent écriés : - Oh ! le songeur ! Oh ! le rêve-creux ! Comme cet homme connaît peu l'humanité !
Que voilà
une étrange folie et une absurde chimère !" Messieurs, le temps a marché,
et cette chimère, c'est la réalité. Et, j'insiste sur ceci, l'homme qui eût
fait cette prophétie sublime eût été déclaré fou par les sages, pour avoir
entrevu les desseins de Dieu !
Eh bien !
vous dites aujourd'hui, et je suis de ceux qui disent avec vous, tous, nous qui
sommes ici, nous disons à la France, à l'Angleterre, à la Prusse, à l'Autriche,
à l'Espagne, à l'Italie, à la Russie, nous leur disons : Un jour viendra où les
armes vous tomberont des mains, à vous aussi ! Un jour viendra où la guerre
paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre
Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu'elle serait impossible et
qu'elle paraîtrait absurde aujourd'hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et
Philadelphie. Un jour viendra où la France, vous Russie, vous Italie, vous
Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos
qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez
étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité
européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la
Lorraine, l'Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France.
Un jour
viendra où il n'y aura plus d'autres champs de bataille que les marchés
s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées. Un jour viendra où
les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage
universel des peuples, par le vénérable arbitrage d'un grand Sénat souverain
qui sera à l'Europe ce que le Parlement est à l'Angleterre, ce que la Diète est
à l'Allemagne, ce que l'Assemblée législative est à la France ! Un jour viendra
où l'on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd'hui un
instrument de torture, en s'étonnant que cela ait pu être ! Un jour viendra où
l'on verra ces deux groupes immenses, les Etats-Unis d'Amérique, les États-Unis
d'Europe, placés en face l'un de l'autre, se tendant la main par-dessus les
mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts,
leurs génies, défrichant le globe, colonisant les déserts, améliorant la
Création sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le
bien-être de tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la
puissance de Dieu !
Et ce
jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l'amener, car nous vivons dans
un temps rapide, nous vivons dans le courant d'événements et d'idées le plus
impétueux qui ait encore entraîné les peuples, et, à l'époque où nous sommes,
une année fait parfois l'ouvrage d'un siècle. (...)
Ici,
messieurs, quand j'approfondis ce vaste ensemble, ce vaste concours d'efforts
et d'événements, tous marqués du doigt de Dieu ; quand je songe à ce but
magnifique, le bien-être des hommes, la paix ; quand je considère ce que la
Providence fait pour et ce que la politique fait contre, une réflexion
douloureuse s'offre à mon esprit. Il résulte des statistiques et des budgets
comparés que les nations européennes dépensent tous les ans, pour l'entretien
de leurs armées, une somme qui n'est pas moindre de deux milliards, et qui, si
l'on y ajoute l'entretien du matériel des établissements de guerre, s'élève à
trois milliards. Ajoutez-y encore le produit perdu des journées de travail de
plus de deux millions d'hommes, les plus sains, les plus vigoureux, les plus
jeunes, l'élite des populations, produit que vous ne pouvez pas évaluer à moins
d'un milliard, et vous arrivez à ceci que les armées permanentes coûtent
annuellement à l'Europe quatre milliards. Messieurs, la paix vient de durer
trente-deux ans, et en trente-deux ans la somme monstrueuse de cent vingt-huit
milliards a été dépensée pendant la paix pour la guerre ! Supposez que les
peuples d'Europe, au lieu de se défier les uns des autres, de se jalouser, de
se haïr, se fussent aimés : supposez qu'ils se fussent dit qu'avant même d'être
Français, ou Anglais, ou Allemand, on est homme, et que, si les nations sont
des patries, l'humanité est une famille ; et maintenant, cette somme de cent
vingt-huit milliards, si follement et si vaine ment dépensée par la défiance,
faites-la dépenser par la confiance!
Ces cent
vingt-huit milliards donnés à la haine, donnez-les à l'harmonie !
Ces cent
vingt-huit milliards donnés à la guerre, donnez-les à la paix ! Donnez-les au
travail, à l'intelligence, à l'industrie, au commerce, à la navigation, à
l'agriculture, aux sciences, aux arts, et représentez-vous le résultat. (...)
Messieurs, je le dis en terminant, et que cette pensée nous encourage,
ce n'est pas d'aujourd'hui que le genre humain est en marche dans cette voie
providentielle. Dans notre vieille Europe, l'Angleterre a fait le premier pas,
et par son exemple séculaire elle a dit aux peuples : Vous êtes libres. La
France a fait le second pas, et elle a dit aux peuples : Vous êtes souverains.
Maintenant faisons le troisième pas, et tous ensemble, France, Angleterre,
Belgique, Allemagne, Italie, Europe, Amérique, disons aux peuples : Vous êtes
frères ! "
ou aussi l'interview (publiée par Témoignage Chrétien) de Patrick Viveret , cofondateur du collectif Roosevelt 2012.
ces quelques phrases clefs donnent envie de lire tout l'article.
Il faut sortir du gaspillage à outrance, de toutes les démesures financières, sociales ou encore écologiques, et penser une alternative au mal de vivre.
Ce qui s'oppose à la logique de peur, c'est la logique de la joie ! Et comme la peur, la joie est contagieuse...
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La conférence des évêques de France a formulé 10 points d'attention pouvant aider la réflexion sur la construction de l'Europe.
De son côté, l'ONG CCFD-terre solidaire a envoyé aux différents candidats 10 propositions pour une Europe exemplaire et respectueuse des droits humains.
Conférence des évêques de France
Pour la construction européenne, 10 points d'attention:
1. L'attention au bien commun : Sans projet commun, il
n'y a pas d'Europe. Chaque citoyen, chaque communauté et chaque nation doit
être capable de subordonner ses intérêts particuliers au profit du bien commun.
2. Le souci de la solidarité : L'Europe ne peut se
construire que sur une logique de solidarité à tous les niveaux, entre nations, entre régions et entre groupes sociaux. Pour bien s'exercer, la
solidarité entre nous doit s'accompagner d'une révision de nos façons de consommer. Sans tempérance et
sans partage, il ne peut y avoir de vraie solidarité entre les uns et les
autres.
3. La dignité de toute personne : L'UE doit veiller au
respect de toute personne humaine quels que soient sa race, son sexe, sa culture, sa religion, son statut social. La vie humaine doit être
protégée de sa conception à sa mort naturelle. La famille, composante de base de notre société, doit bénéficier de
la même protection.
4. Le soin de chaque génération : Dans les prochaines
années, la démographie au sein de l'UE changera fortement.
Nous plaidons pour les personnes âgées afin qu'elles
aient accès aux soins auxquels elles ont droit et nous plaidons aussi pour les
jeunes générations afin qu'elles bénéficient de politiques favorables à leur
insertion dans la vie sociale.
5. La promotion de la justice sociale : La crise
économique et bancaire a provoqué, depuis 2008, beaucoup de dégâts en Europe, entraînant une augmentation du nombre de personnes pauvres et
vulnérables. Nous devons entendre le cri des pauvres, nous rappelle le Pape François, et nous attaquer
aux causes structurelles de la disparité sociale qui est la racine des maux de
notre société (EG 202).
6. L'intégration des migrants : Les migrations
internes à l'Europe ou en provenance de l'extérieur, influent sur la vie des personnes et de la société. L'UE a une frontière extérieure commune. La
responsabilité de l'accueil et de l'intégration des migrants doit être partagée proportionnellement entre les
états membres. Les migrants doivent être traités avec humanité et respect. Tous les organismes, publics,
associatifs, religieux doivent s'unir pour une intégration réussie des personnes migrantes.
7. Le respect de l'environnement : La terre est à tous
et nous devons la protéger pour aujourd'hui et pour demain.
Conscients des risques que nous courons, soucieux de durabilité, nous devons veiller « non seulement à la terre, l'eau et l'air comme dons de la Création appartenant à tous, mais aussi et surtout, protéger l'homme de sa propre destruction » avertissait Benoît XVI (CIV. 51) « une sorte d'écologie de l'homme, comprise de manière juste est nécessaire ».
Conscients des risques que nous courons, soucieux de durabilité, nous devons veiller « non seulement à la terre, l'eau et l'air comme dons de la Création appartenant à tous, mais aussi et surtout, protéger l'homme de sa propre destruction » avertissait Benoît XVI (CIV. 51) « une sorte d'écologie de l'homme, comprise de manière juste est nécessaire ».
8. Le respect de nos rythmes de travail et de repos :
Toute personne doit pouvoir travailler et se reposer, produire et disposer de
ses produits, ne pas être enchaînée à la seule logique du travail matériel mais
goûter aussi aux joies de la vie spirituelle, de la rencontre, de la prière et
du repos. Le repos régulier est une nécessité et un droit. L'UE doit protéger
le jour de repos commun hebdomadaire qu'est le dimanche.
9. La pratique du principe de subsidiarité : L'UE
s'est construite sur ce principe de la subsidiarité qui veille à ce que l'unité de l'ensemble ne se fasse jamais au détriment de la légitime
responsabilité des états membres, ni de leurs traditions respectives. Veillons à l'application de ce principe.
10. L'exercice de la liberté religieuse : La liberté
religieuse est un droit fondamental comprenant celui d'exprimer sa foi en
public. Nous nous réjouissons de l'adoption des lignes directrices de l'UE sur
la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction.
Recommandations à partir de la déclaration de la
COMECE
(Commission des épiscopats de la Communauté européenne)
10 avril 2014
10 propositions du CCFD-Terre Solidaire aux candidats
aux élections européennes
Extraits,... pour lire l'intégralité des textes :
Lutter contre l'opacité financière et l'évasion
fiscale des entreprises multinationales
1. Exiger la transparence comptable pays par pays de
la part de toutes les entreprises multinationales, tous secteurs d'activités confondus... et la publication de
ces informations
2. Harmoniser les règles fiscales européennes et
internationales via l'adoption de mesures contraignantes relatives à la consolidation des assiettes fiscales pour l'impôt
sur les sociétés afin de mieux répartir le droit de taxer entre les pays selon des critères
objectifs
Rendre les multinationales européennes responsables de
leurs impacts sociaux et environnementaux dans les pays du Sud
3. S'assurer que les États lèvent les obstacles dans
l'accès à la justice pour les victimes d'entreprises multinationales européennes opérant dans les pays tiers
4. Réviser la politique commerciale pour mieux prendre
en compte la dimension sociale et sociétale
Exiger l'exemplarité de l'Union européenne dans ses
investissements portés au nom de la sécurité alimentaire
5. Exiger l'exemplarité des agences de financement du
développement
6. Veiller à la cohérence des actions de développement
de l' U.E. avec ses engagements
internationaux en matière de lutte contre l'insécurité alimentaire
internationaux en matière de lutte contre l'insécurité alimentaire
Rompre le lien entre l'exploitation des ressources
naturelles et les conflits
7. Créer une obligation légale contraignante contre
les acteurs économiques afin qu'ils exercent un devoir de diligence sur leurs chaînes d'approvisionnement
8. Étendre la portée du règlement négocié en 2014 sur
l'approvisionnement responsable en minerais provenant des zones de conflit à haut risque
Construire une gouvernance alternative des migrations,
respectueuse des droits des migrants
9. Se mobiliser et faire pression sur les États
membres pour qu'ils ratifient la convention de l'ONU pour la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de
leur famille, instrument juridique mondial majeur
10. Appliquer de manière effective cette convention.
Que nos mains se saisissent de l’Europe !
Que ta main ne tremble pas
au moment de choisir tes représentants.
Ne doute pas, dit le Seigneur ;
Sois confiant !
au moment de choisir tes représentants.
Ne doute pas, dit le Seigneur ;
Sois confiant !
Que ta main ne démolisse pas
une union tissée au fil des ans.
Ne détruis pas, dit le Seigneur ;
Sois bâtisseur !
une union tissée au fil des ans.
Ne détruis pas, dit le Seigneur ;
Sois bâtisseur !
Que ta main n’ignore pas
les déchirures des temps de guerre.
Ne trahis pas, dit le Seigneur ;
Sois fidèle !
les déchirures des temps de guerre.
Ne trahis pas, dit le Seigneur ;
Sois fidèle !
Que ta main ne dévie pas
d’une économie au service de l’homme.
Ne renonce pas, dit le Seigneur ;
Sois prospectif !
d’une économie au service de l’homme.
Ne renonce pas, dit le Seigneur ;
Sois prospectif !
Que ta main ne se dérobe pas
au bien commun ou à la protection sociale.
Ne te résigne pas, dit le Seigneur ;
Sois fraternel !
au bien commun ou à la protection sociale.
Ne te résigne pas, dit le Seigneur ;
Sois fraternel !
Que ta main ne repousse pas
celles et ceux qui frappent à nos portes.
Ne les rejette pas, dit le Seigneur ;
Sois solidaire !
celles et ceux qui frappent à nos portes.
Ne les rejette pas, dit le Seigneur ;
Sois solidaire !
Que ta main ne se joigne pas
au pillage des ressources naturelles.
Ne dilapide pas, dit le Seigneur ;
Sois responsable !
au pillage des ressources naturelles.
Ne dilapide pas, dit le Seigneur ;
Sois responsable !
Les rencontres de Dialogue et Liberté reprendront en Septembre ( voir l'agenda), avec cette préoccupation , à creuser loin des périodes électorales: qu'est-ce que l’Évangile , et les chrétiens, peuvent dire à propos de la construction de l'Europe?
mise en ligne le 20 juillet 2014 par J. Derouault