dimanche 20 juillet 2014

l'Europe, rêve , utopie ou réalité à construire ?

Dans notre groupe dialogue et liberté, nous avons suivi la campagne pour les élections européennes et pris connaissance du résultat du vote. Interpellés par ce résultat, nous avons consacré la dernière rencontre de l'année à mettre en commun nos réflexions, en partant de textes que les uns ou les autres avaient lus ces dernières semaines. Certains d'entre eux méritent particulièrement d'être médités.

Ainsi le texte du discours de Victor Hugo , lors de l'ouverture du Congrès de la paix , le 21 août 1849 (Actes et paroles. /. Hetzel. 1882.) 

Quel visionnaire !

MESSIEURS, SI QUELQU'UN, IL Y A QUATRE SIÈCLES, à l'époque où la guerre existait de commune à commune, de ville à ville, de province à province, si quelqu'un eût dit à la Lorraine, à la Picardie, à la Normandie, à la Bretagne, à l'Auvergne, à la Provence, au Dauphiné, à la Bourgogne : Un jour viendra où vous ne vous ferez plus la guerre, un jour viendra où vous ne lèverez plus d'hommes d'armes les uns contre les autres, un jour viendra où l'on ne dira plus : Les Normands ont attaqué les Picards, les Lorrains ont repoussé les Bourguignons.
Vous aurez bien encore des différends à régler, des intérêts à débattre, des contestations à résoudre, 

mais savez-vous ce que vous mettrez à la place des hommes d'armes ? Savez-vous ce que vous mettrez à la place des gens de pied et de cheval, des canons, des fauconneaux, des lances, des piques, des épées ? Vous mettrez une petite boîte de sapin que vous appellerez l'urne du scrutin, et de cette boîte il sortira, quoi ? Une assemblée ! une assemblée en laquelle vous vous sentirez tous vivre, une assemblée qui sera comme votre âme à tous, un concile souverain et populaire qui décidera, qui jugera, qui résoudra tout en loi, qui fera tomber le glaive de toutes les mains et surgir la justice dans tous les cœurs, qui dira à chacun : Là finit ton droit, ici commence ton devoir. Bas les armes ! Vivez en paix ! Et ce jour-là, vous vous sentirez une pensée commune, des intérêts communs, une destinée commune ; vous vous embrasserez, vous vous reconnaîtrez fils du même sang et de la même race ; ce jour-là, vous ne serez plus des peuplades ennemies, vous serez un peuple ; vous ne serez plus la Bourgogne, la Normandie, la Bretagne, la Provence, vous serez la France. Vous ne vous appellerez plus la guerre, vous vous appellerez la civilisation ! Si quelqu'un eût dit cela à cette époque, messieurs, tous les hommes positifs, tous les gens sérieux, tous les grands politiques d'alors se fussent écriés : - Oh ! le songeur ! Oh ! le rêve-creux ! Comme cet homme connaît peu l'humanité !

Que voilà une étrange folie et une absurde chimère !" Messieurs, le temps a marché, et cette chimère, c'est la réalité. Et, j'insiste sur ceci, l'homme qui eût fait cette prophétie sublime eût été déclaré fou par les sages, pour avoir entrevu les desseins de Dieu !


Eh bien ! vous dites aujourd'hui, et je suis de ceux qui disent avec vous, tous, nous qui sommes ici, nous disons à la France, à l'Angleterre, à la Prusse, à l'Autriche, à l'Espagne, à l'Italie, à la Russie, nous leur disons : Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi ! Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu'elle serait impossible et qu'elle paraîtrait absurde aujourd'hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra où la France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l'Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France.

Un jour viendra où il n'y aura plus d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d'un grand Sénat souverain qui sera à l'Europe ce que le Parlement est à l'Angleterre, ce que la Diète est à l'Allemagne, ce que l'Assemblée législative est à la France ! Un jour viendra où l'on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd'hui un instrument de torture, en s'étonnant que cela ait pu être ! Un jour viendra où l'on verra ces deux groupes immenses, les Etats-Unis d'Amérique, les États-Unis d'Europe, placés en face l'un de l'autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies, défrichant le globe, colonisant les déserts, améliorant la Création sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être de tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la puissance de Dieu !

Et ce jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l'amener, car nous vivons dans un temps rapide, nous vivons dans le courant d'événements et d'idées le plus impétueux qui ait encore entraîné les peuples, et, à l'époque où nous sommes, une année fait parfois l'ouvrage d'un siècle. (...)

Ici, messieurs, quand j'approfondis ce vaste ensemble, ce vaste concours d'efforts et d'événements, tous marqués du doigt de Dieu ; quand je songe à ce but magnifique, le bien-être des hommes, la paix ; quand je considère ce que la Providence fait pour et ce que la politique fait contre, une réflexion douloureuse s'offre à mon esprit. Il résulte des statistiques et des budgets comparés que les nations européennes dépensent tous les ans, pour l'entretien de leurs armées, une somme qui n'est pas moindre de deux milliards, et qui, si l'on y ajoute l'entretien du matériel des établissements de guerre, s'élève à trois milliards. Ajoutez-y encore le produit perdu des journées de travail de plus de deux millions d'hommes, les plus sains, les plus vigoureux, les plus jeunes, l'élite des populations, produit que vous ne pouvez pas évaluer à moins d'un milliard, et vous arrivez à ceci que les armées permanentes coûtent annuellement à l'Europe quatre milliards. Messieurs, la paix vient de durer trente-deux ans, et en trente-deux ans la somme monstrueuse de cent vingt-huit milliards a été dépensée pendant la paix pour la guerre ! Supposez que les peuples d'Europe, au lieu de se défier les uns des autres, de se jalouser, de se haïr, se fussent aimés : supposez qu'ils se fussent dit qu'avant même d'être Français, ou Anglais, ou Allemand, on est homme, et que, si les nations sont des patries, l'humanité est une famille ; et maintenant, cette somme de cent vingt-huit milliards, si follement et si vaine ment dépensée par la défiance, faites-la dépenser par la confiance!

Ces cent vingt-huit milliards donnés à la haine, donnez-les à l'harmonie !

Ces cent vingt-huit milliards donnés à la guerre, donnez-les à la paix ! Donnez-les au travail, à l'intelligence, à l'industrie, au commerce, à la navigation, à l'agriculture, aux sciences, aux arts, et représentez-vous le résultat. (...)
Messieurs, je le dis en terminant, et que cette pensée nous encourage, ce n'est pas d'aujourd'hui que le genre humain est en marche dans cette voie providentielle. Dans notre vieille Europe, l'Angleterre a fait le premier pas, et par son exemple séculaire elle a dit aux peuples : Vous êtes libres. La France a fait le second pas, et elle a dit aux peuples : Vous êtes souverains. Maintenant faisons le troisième pas, et tous ensemble, France, Angleterre, Belgique, Allemagne, Italie, Europe, Amérique, disons aux peuples : Vous êtes frères ! "

ou aussi l'interview (publiée par Témoignage Chrétien) de Patrick Viveret , cofondateur du collectif Roosevelt 2012.
ces quelques phrases clefs donnent envie de lire tout l'article.

UNION EUROPÉENNE : PRENONS LE PARTI DU BIEN VIVRE

Il faut sortir du gaspillage à outrance, de toutes les démesures financières, sociales ou encore écologiques, et penser une alternative au mal de vivre.


Ce qui s'oppose à la logique de peur, c'est la logique de la joie ! Et comme la peur, la joie est  contagieuse...

intéressés ? alors         cliquez vite sur ce lien




La conférence des évêques de France a formulé 10 points d'attention pouvant aider la réflexion sur la construction de l'Europe.
De son côté, l'ONG CCFD-terre solidaire a envoyé aux différents candidats 10 propositions pour une Europe exemplaire et respectueuse des droits humains.


 Conférence des évêques de France

Pour   la   construction   européenne,   10   points d'attention:

1. L'attention au bien commun : Sans projet commun, il n'y a pas d'Europe. Chaque citoyen, chaque communauté et chaque nation doit être capable de subordonner ses intérêts particuliers au profit du bien commun.
2. Le souci de la solidarité : L'Europe ne peut se construire que sur une logique de solidarité à tous les niveaux, entre nations, entre régions et entre groupes sociaux. Pour bien s'exercer, la solidarité entre nous doit s'accompagner d'une révision de nos façons de consommer. Sans tempérance et sans partage, il ne peut y avoir de vraie solidarité entre les uns et les autres.
3. La dignité de toute personne : L'UE doit veiller au respect de toute personne humaine quels que soient sa race, son sexe, sa culture, sa religion, son statut social. La vie humaine doit être protégée de sa conception à sa mort naturelle. La famille, composante de base de notre société, doit bénéficier de la même protection.
4. Le soin de chaque génération : Dans les prochaines années, la démographie au sein de l'UE changera fortement.
Nous plaidons pour les personnes âgées afin qu'elles aient accès aux soins auxquels elles ont droit et nous plaidons aussi pour les jeunes générations afin qu'elles bénéficient de politiques favorables à leur insertion dans la vie sociale.
5. La promotion de la justice sociale : La crise économique et bancaire a provoqué, depuis 2008, beaucoup de dégâts en Europe, entraînant une augmentation du nombre de personnes pauvres et vulnérables. Nous devons entendre le cri des pauvres, nous rappelle le Pape François, et nous attaquer aux causes structurelles de la disparité sociale qui est la racine des maux de notre société (EG 202).

6. L'intégration des migrants : Les migrations internes à l'Europe ou en provenance de l'extérieur, influent sur la vie des personnes et de la société. L'UE a une frontière extérieure commune. La responsabilité de l'accueil et de l'intégration des migrants doit être partagée proportionnellement entre les états membres. Les migrants doivent être traités avec humanité et respect. Tous les organismes, publics, associatifs, religieux doivent s'unir pour une intégration réussie des personnes migrantes.
7. Le respect de l'environnement : La terre est à tous et nous devons la protéger pour aujourd'hui et pour demain.
Conscients des risques que nous courons, soucieux de durabilité, nous devons veiller « non seulement à la terre, l'eau et l'air comme dons de la Création appartenant à tous, mais aussi et surtout, protéger l'homme de sa propre destruction » avertissait Benoît XVI (CIV. 51) « une sorte d'écologie de l'homme, comprise de manière juste est nécessaire ».
8. Le respect de nos rythmes de travail et de repos : Toute personne doit pouvoir travailler et se reposer, produire et disposer de ses produits, ne pas être enchaînée à la seule logique du travail matériel mais goûter aussi aux joies de la vie spirituelle, de la rencontre, de la prière et du repos. Le repos régulier est une nécessité et un droit. L'UE doit protéger le jour de repos commun hebdomadaire qu'est le dimanche.
9. La pratique du principe de subsidiarité : L'UE s'est construite sur ce principe de la subsidiarité qui veille à ce que l'unité de l'ensemble ne se fasse jamais au détriment de la légitime responsabilité des états membres, ni de leurs traditions respectives. Veillons à l'application de ce principe.
10. L'exercice de la liberté religieuse : La liberté religieuse est un droit fondamental comprenant celui d'exprimer sa foi en public. Nous nous réjouissons de l'adoption des lignes directrices de l'UE sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction.


Recommandations à partir de la déclaration de la COMECE 
(Commission des épiscopats de la Communauté européenne) 
10 avril 2014




10 propositions du CCFD-Terre Solidaire aux candidats aux élections européennes
Extraits,... pour lire l'intégralité des textes :
Lutter contre l'opacité financière et l'évasion fiscale des entreprises multinationales
1. Exiger la transparence comptable pays par pays de la part de toutes les entreprises multinationales, tous secteurs d'activités confondus... et la publication de ces informations
2. Harmoniser les règles fiscales européennes et internationales via l'adoption de mesures contraignantes relatives à la consolidation des assiettes fiscales pour l'impôt sur les sociétés afin de mieux répartir le droit de taxer entre les pays selon des critères objectifs
Rendre les multinationales européennes responsables de leurs impacts sociaux et environnementaux dans les pays du Sud
3. S'assurer que les États lèvent les obstacles dans l'accès à la justice pour les victimes d'entreprises multinationales européennes opérant dans les pays tiers
4. Réviser la politique commerciale pour mieux prendre en compte la dimension sociale et sociétale
Exiger l'exemplarité de l'Union européenne dans ses investissements portés au nom de la sécurité alimentaire
5. Exiger l'exemplarité des agences de financement du développement
6. Veiller à la cohérence des actions de développement de l' U.E. avec ses engagements
internationaux en matière de lutte contre l'insécurité alimentaire
Rompre le lien entre l'exploitation des ressources naturelles et les conflits
7. Créer une obligation légale contraignante contre les acteurs économiques afin qu'ils exercent un devoir de diligence sur leurs chaînes d'approvisionnement
8. Étendre la portée du règlement négocié en 2014 sur l'approvisionnement responsable en minerais provenant des zones de conflit à haut risque
Construire une gouvernance alternative des migrations, respectueuse des droits des migrants
9. Se mobiliser et faire pression sur les États membres pour qu'ils ratifient la convention de l'ONU pour la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, instrument juridique mondial majeur
10. Appliquer de manière effective cette convention.


Enfin, nous avons apprécié et médité également  le psaume pour l'Europe de Michel Bourdeau,  lisible ici dans son contexte



Que nos mains se saisissent de l’Europe !


Que ta main ne tremble pas
au moment de choisir tes représentants.
Ne doute pas, dit le Seigneur ;
Sois confiant !


Que ta main ne démolisse pas
une union tissée au fil des ans.
Ne détruis pas, dit le Seigneur ;
Sois bâtisseur !


Que ta main n’ignore pas
les déchirures des temps de guerre.
Ne trahis pas, dit le Seigneur ;
Sois fidèle !


Que ta main ne dévie pas
d’une économie au service de l’homme.
Ne renonce pas, dit le Seigneur ;
Sois prospectif !


Que ta main ne se dérobe pas
au bien commun ou à la protection sociale.
Ne te résigne pas, dit le Seigneur ;
Sois fraternel !


Que ta main ne repousse pas
celles et ceux qui frappent à nos portes.
Ne les rejette pas, dit le Seigneur ;
Sois solidaire !


Que ta main ne se joigne pas
au pillage des ressources naturelles.
Ne dilapide pas, dit le Seigneur ;
Sois responsable !




Les rencontres de Dialogue et Liberté reprendront en Septembre ( voir l'agenda), avec cette préoccupation , à creuser loin des périodes électorales: qu'est-ce que l’Évangile , et les chrétiens, peuvent dire à propos de la construction de l'Europe?

 mise en ligne le 20 juillet 2014 par J. Derouault