dimanche 20 juillet 2014

l'Europe, rêve , utopie ou réalité à construire ?

Dans notre groupe dialogue et liberté, nous avons suivi la campagne pour les élections européennes et pris connaissance du résultat du vote. Interpellés par ce résultat, nous avons consacré la dernière rencontre de l'année à mettre en commun nos réflexions, en partant de textes que les uns ou les autres avaient lus ces dernières semaines. Certains d'entre eux méritent particulièrement d'être médités.

Ainsi le texte du discours de Victor Hugo , lors de l'ouverture du Congrès de la paix , le 21 août 1849 (Actes et paroles. /. Hetzel. 1882.) 

Quel visionnaire !

MESSIEURS, SI QUELQU'UN, IL Y A QUATRE SIÈCLES, à l'époque où la guerre existait de commune à commune, de ville à ville, de province à province, si quelqu'un eût dit à la Lorraine, à la Picardie, à la Normandie, à la Bretagne, à l'Auvergne, à la Provence, au Dauphiné, à la Bourgogne : Un jour viendra où vous ne vous ferez plus la guerre, un jour viendra où vous ne lèverez plus d'hommes d'armes les uns contre les autres, un jour viendra où l'on ne dira plus : Les Normands ont attaqué les Picards, les Lorrains ont repoussé les Bourguignons.
Vous aurez bien encore des différends à régler, des intérêts à débattre, des contestations à résoudre, 

mais savez-vous ce que vous mettrez à la place des hommes d'armes ? Savez-vous ce que vous mettrez à la place des gens de pied et de cheval, des canons, des fauconneaux, des lances, des piques, des épées ? Vous mettrez une petite boîte de sapin que vous appellerez l'urne du scrutin, et de cette boîte il sortira, quoi ? Une assemblée ! une assemblée en laquelle vous vous sentirez tous vivre, une assemblée qui sera comme votre âme à tous, un concile souverain et populaire qui décidera, qui jugera, qui résoudra tout en loi, qui fera tomber le glaive de toutes les mains et surgir la justice dans tous les cœurs, qui dira à chacun : Là finit ton droit, ici commence ton devoir. Bas les armes ! Vivez en paix ! Et ce jour-là, vous vous sentirez une pensée commune, des intérêts communs, une destinée commune ; vous vous embrasserez, vous vous reconnaîtrez fils du même sang et de la même race ; ce jour-là, vous ne serez plus des peuplades ennemies, vous serez un peuple ; vous ne serez plus la Bourgogne, la Normandie, la Bretagne, la Provence, vous serez la France. Vous ne vous appellerez plus la guerre, vous vous appellerez la civilisation ! Si quelqu'un eût dit cela à cette époque, messieurs, tous les hommes positifs, tous les gens sérieux, tous les grands politiques d'alors se fussent écriés : - Oh ! le songeur ! Oh ! le rêve-creux ! Comme cet homme connaît peu l'humanité !

Que voilà une étrange folie et une absurde chimère !" Messieurs, le temps a marché, et cette chimère, c'est la réalité. Et, j'insiste sur ceci, l'homme qui eût fait cette prophétie sublime eût été déclaré fou par les sages, pour avoir entrevu les desseins de Dieu !


Eh bien ! vous dites aujourd'hui, et je suis de ceux qui disent avec vous, tous, nous qui sommes ici, nous disons à la France, à l'Angleterre, à la Prusse, à l'Autriche, à l'Espagne, à l'Italie, à la Russie, nous leur disons : Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi ! Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu'elle serait impossible et qu'elle paraîtrait absurde aujourd'hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra où la France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l'Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France.

Un jour viendra où il n'y aura plus d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d'un grand Sénat souverain qui sera à l'Europe ce que le Parlement est à l'Angleterre, ce que la Diète est à l'Allemagne, ce que l'Assemblée législative est à la France ! Un jour viendra où l'on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd'hui un instrument de torture, en s'étonnant que cela ait pu être ! Un jour viendra où l'on verra ces deux groupes immenses, les Etats-Unis d'Amérique, les États-Unis d'Europe, placés en face l'un de l'autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies, défrichant le globe, colonisant les déserts, améliorant la Création sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être de tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la puissance de Dieu !

Et ce jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l'amener, car nous vivons dans un temps rapide, nous vivons dans le courant d'événements et d'idées le plus impétueux qui ait encore entraîné les peuples, et, à l'époque où nous sommes, une année fait parfois l'ouvrage d'un siècle. (...)

Ici, messieurs, quand j'approfondis ce vaste ensemble, ce vaste concours d'efforts et d'événements, tous marqués du doigt de Dieu ; quand je songe à ce but magnifique, le bien-être des hommes, la paix ; quand je considère ce que la Providence fait pour et ce que la politique fait contre, une réflexion douloureuse s'offre à mon esprit. Il résulte des statistiques et des budgets comparés que les nations européennes dépensent tous les ans, pour l'entretien de leurs armées, une somme qui n'est pas moindre de deux milliards, et qui, si l'on y ajoute l'entretien du matériel des établissements de guerre, s'élève à trois milliards. Ajoutez-y encore le produit perdu des journées de travail de plus de deux millions d'hommes, les plus sains, les plus vigoureux, les plus jeunes, l'élite des populations, produit que vous ne pouvez pas évaluer à moins d'un milliard, et vous arrivez à ceci que les armées permanentes coûtent annuellement à l'Europe quatre milliards. Messieurs, la paix vient de durer trente-deux ans, et en trente-deux ans la somme monstrueuse de cent vingt-huit milliards a été dépensée pendant la paix pour la guerre ! Supposez que les peuples d'Europe, au lieu de se défier les uns des autres, de se jalouser, de se haïr, se fussent aimés : supposez qu'ils se fussent dit qu'avant même d'être Français, ou Anglais, ou Allemand, on est homme, et que, si les nations sont des patries, l'humanité est une famille ; et maintenant, cette somme de cent vingt-huit milliards, si follement et si vaine ment dépensée par la défiance, faites-la dépenser par la confiance!

Ces cent vingt-huit milliards donnés à la haine, donnez-les à l'harmonie !

Ces cent vingt-huit milliards donnés à la guerre, donnez-les à la paix ! Donnez-les au travail, à l'intelligence, à l'industrie, au commerce, à la navigation, à l'agriculture, aux sciences, aux arts, et représentez-vous le résultat. (...)
Messieurs, je le dis en terminant, et que cette pensée nous encourage, ce n'est pas d'aujourd'hui que le genre humain est en marche dans cette voie providentielle. Dans notre vieille Europe, l'Angleterre a fait le premier pas, et par son exemple séculaire elle a dit aux peuples : Vous êtes libres. La France a fait le second pas, et elle a dit aux peuples : Vous êtes souverains. Maintenant faisons le troisième pas, et tous ensemble, France, Angleterre, Belgique, Allemagne, Italie, Europe, Amérique, disons aux peuples : Vous êtes frères ! "

ou aussi l'interview (publiée par Témoignage Chrétien) de Patrick Viveret , cofondateur du collectif Roosevelt 2012.
ces quelques phrases clefs donnent envie de lire tout l'article.

UNION EUROPÉENNE : PRENONS LE PARTI DU BIEN VIVRE

Il faut sortir du gaspillage à outrance, de toutes les démesures financières, sociales ou encore écologiques, et penser une alternative au mal de vivre.


Ce qui s'oppose à la logique de peur, c'est la logique de la joie ! Et comme la peur, la joie est  contagieuse...

intéressés ? alors         cliquez vite sur ce lien




La conférence des évêques de France a formulé 10 points d'attention pouvant aider la réflexion sur la construction de l'Europe.
De son côté, l'ONG CCFD-terre solidaire a envoyé aux différents candidats 10 propositions pour une Europe exemplaire et respectueuse des droits humains.


 Conférence des évêques de France

Pour   la   construction   européenne,   10   points d'attention:

1. L'attention au bien commun : Sans projet commun, il n'y a pas d'Europe. Chaque citoyen, chaque communauté et chaque nation doit être capable de subordonner ses intérêts particuliers au profit du bien commun.
2. Le souci de la solidarité : L'Europe ne peut se construire que sur une logique de solidarité à tous les niveaux, entre nations, entre régions et entre groupes sociaux. Pour bien s'exercer, la solidarité entre nous doit s'accompagner d'une révision de nos façons de consommer. Sans tempérance et sans partage, il ne peut y avoir de vraie solidarité entre les uns et les autres.
3. La dignité de toute personne : L'UE doit veiller au respect de toute personne humaine quels que soient sa race, son sexe, sa culture, sa religion, son statut social. La vie humaine doit être protégée de sa conception à sa mort naturelle. La famille, composante de base de notre société, doit bénéficier de la même protection.
4. Le soin de chaque génération : Dans les prochaines années, la démographie au sein de l'UE changera fortement.
Nous plaidons pour les personnes âgées afin qu'elles aient accès aux soins auxquels elles ont droit et nous plaidons aussi pour les jeunes générations afin qu'elles bénéficient de politiques favorables à leur insertion dans la vie sociale.
5. La promotion de la justice sociale : La crise économique et bancaire a provoqué, depuis 2008, beaucoup de dégâts en Europe, entraînant une augmentation du nombre de personnes pauvres et vulnérables. Nous devons entendre le cri des pauvres, nous rappelle le Pape François, et nous attaquer aux causes structurelles de la disparité sociale qui est la racine des maux de notre société (EG 202).

6. L'intégration des migrants : Les migrations internes à l'Europe ou en provenance de l'extérieur, influent sur la vie des personnes et de la société. L'UE a une frontière extérieure commune. La responsabilité de l'accueil et de l'intégration des migrants doit être partagée proportionnellement entre les états membres. Les migrants doivent être traités avec humanité et respect. Tous les organismes, publics, associatifs, religieux doivent s'unir pour une intégration réussie des personnes migrantes.
7. Le respect de l'environnement : La terre est à tous et nous devons la protéger pour aujourd'hui et pour demain.
Conscients des risques que nous courons, soucieux de durabilité, nous devons veiller « non seulement à la terre, l'eau et l'air comme dons de la Création appartenant à tous, mais aussi et surtout, protéger l'homme de sa propre destruction » avertissait Benoît XVI (CIV. 51) « une sorte d'écologie de l'homme, comprise de manière juste est nécessaire ».
8. Le respect de nos rythmes de travail et de repos : Toute personne doit pouvoir travailler et se reposer, produire et disposer de ses produits, ne pas être enchaînée à la seule logique du travail matériel mais goûter aussi aux joies de la vie spirituelle, de la rencontre, de la prière et du repos. Le repos régulier est une nécessité et un droit. L'UE doit protéger le jour de repos commun hebdomadaire qu'est le dimanche.
9. La pratique du principe de subsidiarité : L'UE s'est construite sur ce principe de la subsidiarité qui veille à ce que l'unité de l'ensemble ne se fasse jamais au détriment de la légitime responsabilité des états membres, ni de leurs traditions respectives. Veillons à l'application de ce principe.
10. L'exercice de la liberté religieuse : La liberté religieuse est un droit fondamental comprenant celui d'exprimer sa foi en public. Nous nous réjouissons de l'adoption des lignes directrices de l'UE sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction.


Recommandations à partir de la déclaration de la COMECE 
(Commission des épiscopats de la Communauté européenne) 
10 avril 2014




10 propositions du CCFD-Terre Solidaire aux candidats aux élections européennes
Extraits,... pour lire l'intégralité des textes :
Lutter contre l'opacité financière et l'évasion fiscale des entreprises multinationales
1. Exiger la transparence comptable pays par pays de la part de toutes les entreprises multinationales, tous secteurs d'activités confondus... et la publication de ces informations
2. Harmoniser les règles fiscales européennes et internationales via l'adoption de mesures contraignantes relatives à la consolidation des assiettes fiscales pour l'impôt sur les sociétés afin de mieux répartir le droit de taxer entre les pays selon des critères objectifs
Rendre les multinationales européennes responsables de leurs impacts sociaux et environnementaux dans les pays du Sud
3. S'assurer que les États lèvent les obstacles dans l'accès à la justice pour les victimes d'entreprises multinationales européennes opérant dans les pays tiers
4. Réviser la politique commerciale pour mieux prendre en compte la dimension sociale et sociétale
Exiger l'exemplarité de l'Union européenne dans ses investissements portés au nom de la sécurité alimentaire
5. Exiger l'exemplarité des agences de financement du développement
6. Veiller à la cohérence des actions de développement de l' U.E. avec ses engagements
internationaux en matière de lutte contre l'insécurité alimentaire
Rompre le lien entre l'exploitation des ressources naturelles et les conflits
7. Créer une obligation légale contraignante contre les acteurs économiques afin qu'ils exercent un devoir de diligence sur leurs chaînes d'approvisionnement
8. Étendre la portée du règlement négocié en 2014 sur l'approvisionnement responsable en minerais provenant des zones de conflit à haut risque
Construire une gouvernance alternative des migrations, respectueuse des droits des migrants
9. Se mobiliser et faire pression sur les États membres pour qu'ils ratifient la convention de l'ONU pour la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, instrument juridique mondial majeur
10. Appliquer de manière effective cette convention.


Enfin, nous avons apprécié et médité également  le psaume pour l'Europe de Michel Bourdeau,  lisible ici dans son contexte



Que nos mains se saisissent de l’Europe !


Que ta main ne tremble pas
au moment de choisir tes représentants.
Ne doute pas, dit le Seigneur ;
Sois confiant !


Que ta main ne démolisse pas
une union tissée au fil des ans.
Ne détruis pas, dit le Seigneur ;
Sois bâtisseur !


Que ta main n’ignore pas
les déchirures des temps de guerre.
Ne trahis pas, dit le Seigneur ;
Sois fidèle !


Que ta main ne dévie pas
d’une économie au service de l’homme.
Ne renonce pas, dit le Seigneur ;
Sois prospectif !


Que ta main ne se dérobe pas
au bien commun ou à la protection sociale.
Ne te résigne pas, dit le Seigneur ;
Sois fraternel !


Que ta main ne repousse pas
celles et ceux qui frappent à nos portes.
Ne les rejette pas, dit le Seigneur ;
Sois solidaire !


Que ta main ne se joigne pas
au pillage des ressources naturelles.
Ne dilapide pas, dit le Seigneur ;
Sois responsable !




Les rencontres de Dialogue et Liberté reprendront en Septembre ( voir l'agenda), avec cette préoccupation , à creuser loin des périodes électorales: qu'est-ce que l’Évangile , et les chrétiens, peuvent dire à propos de la construction de l'Europe?

 mise en ligne le 20 juillet 2014 par J. Derouault







vendredi 30 mai 2014

La loi naturelle et l’Église


En ce début d'année 2014, nous avions répondu au questionnaire proposé à tous les évêques catholiques du monde et aux catholiques de base pour préparer le synode romain sur la famille de 2014-2015; voir article précédent : http://dialogue-liberte.blogspot.fr/2014/02/questionnaire-sur-la-famille-pour.html

Parler de « loi naturelle » nous a interrogés et nous interroge encore au point que nous avons consacré trois de nos rencontres mensuelles à approfondir cette notion et ses implications. Bien qu'il ne soit pas aisé ni de rapporter l'ensemble des commentaires et réflexions émanant des sous-groupes qui ont planché séparément , ni d'en faire une synthèse, voici quelques thèmes importants qui ont émergé.


Par exemple :

 

La théorie de la loi naturelle a été élaborée par des philosophes, croyants ou non. 
Peut-on dire qu’elle est « loi divine » ?
Peut-on dire qu’elle doit s’imposer à notre conscience ?
 

            De même:


Nous avons apprécié les remarques de Philippe Bacq s.j. dans ses  « propos en guise de préparation au synode sur la famille ».

 Il explique que Thomas d’Aquin affirmait déjà,  à propos de la loi naturelle, que les personnes sont « Providence » les unes pour les autres.
Pour la plupart de nos contemporains la loi naturelle c’est simplement la loi biologique. 

Pour nous , alors, une question se pose d'urgence : Si   l’Église souhaite toujours se référer à Saint Thomas d’Aquin, quelle pédagogie doit-elle développer pour que, quand elle parle de loi naturelle, chacun soit invité  à « être providence pour autrui » ?

            la loi naturelle dans les textes de l’Église


Nous avons le sentiment que, trop souvent, le Magistère  brandit le concept de loi naturelle pour imposer une morale laissant peu de place à l’altérité.  Il nous paraît nécessaire que la réflexion commune s’ancre davantage dans le respect de la responsabilité individuelle. Il appartient à chacun d’éclairer sa propre conscience dans le dialogue avec les autres et sa rencontre avec Dieu.

            ou encore: 

"la loi naturelle est inscrite par Dieu au cœur de tout être humain" affirme le Magistère.

 "Dieu, nous ne le connaissons pas... » mais le Magistère le fait  parler !!! 

L’Église, Magistère et Peuple de Dieu ensemble, a la responsabilité d’annoncer le « commandement de l’amour selon l’Evangile » et de proposer à tous une loi universelle.
Cette loi, dans la diversité des cultures et des  anthropologies, permet aux hommes de vivre ensemble.
Le respect de la dignité de soi et de l’autre est cet universel  reconnaissable par tous.

           Loi naturelle et contraception:


La question n° 7 du questionnaire pour  le synode sur la famille évoque « des méthodes dites naturelles ». voir ce lien http://bordeaux.catholique.fr/secteur-pastoral-de-talence/la-paroisse/divers/questionnaire-preparatoire-du-synode-sur-la-famille

 Qu’est-ce qui est naturel ? La recherche des périodes de fécondation ou le blocage de la fécondation ? Évidemment ni l’une ni l’autre !!! Quand bien même une méthode serait naturelle, elle ne peut pas être  elle-même source de légitimité morale.

            Le débat n'est pas épuisé:

Amis lecteurs  qu’en pensez-vous ? Vos réactions, vos réflexions  nous intéressent ! Les commentaires seront bienvenus. A vos claviers !


mise en ligne le 29  mai par Jean Derouault



vendredi 7 février 2014

Questionnaire sur la famille pour préparer le Synode sur la famille mis en chantier par le pape François

 Notre groupe Dialogue et Liberté a trouvé très intéressante la proposition de l'évêché de réfléchir sur le questionnaire posé à propos de l'enquête lancée par le pape François en vue de la préparation du synode sur la famille qui doit se tenir à l'automne 2014. Il a travaillé  courant décembre 2013 en sous-groupes, puis s’est réuni en janvier 2014, en réunion plénière, pour apporter sa contribution au questionnaire préparatoire du synode sur la famille.
Cependant, le temps imparti pour formuler les réponses était bref et le nombre de nos rencontres limité, nous avons sélectionné quelques questions assez proches des thèmes que nous avions déjà abordés et avons rédigé une synthèse pour chacune des questions retenues de façon collégiale selon notre habitude.

Si vous souhaitez consulter l'intégralité du questionnaire, vous pouvez visiter ce lien

Voici ci-dessous nos réponses aux questions que nous avons retenues, telles que nous les avons adressées au service de la pastorale familiale du diocèse de Bordeaux. 

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NB : Les questions que nous avons sélectionnées  sont reproduites ci-dessous en couleur brune, et nos réponses sont présentées en vert .

 En avant-propos, le groupe ‘Dialogue et Liberté’ est heureux de pouvoir   répondre à un tel questionnaire. Cette initiative nous paraît très positive. Cependant nous sommes déroutés par le langage employé, difficile à  comprendre par la majorité des baptisés.


 2. Sur le mariage selon la loi naturelle

Il ne nous semble pas  qu’à l’époque actuelle  les couples se posent la question de la conjugalité sous l’angle de la loi naturelle. Ce n’est ni un sujet de préoccupation, ni un centre d’intérêt ; donc pas de contestation   pour un concept qui n’a pas d’écho dans notre société.

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 3. La pastorale de la famille dans le contexte de l’évangélisation

f) Quelle attention pastorale l’Église a-t-elle montré pour soutenir le cheminement des couples en formation et des couples en crise ?

Il y a beaucoup  de propositions qui sont nées de l’initiative de chrétiens,  tant pour la préparation que pour l’accompagnement en situations de crise, et cette diversité est bonne....  et à encourager. Il existe aussi beaucoup de propositions dans les paroisses.

Il faut noter l’intérêt de l’initiative de catholiques qui accompagnent la préparation et la célébration de mariages civils Les maires sont de plus en plus attentifs à la qualité de ces mariages civils.

On note que les personnes en difficulté se sont senties aidées et accompagnées par des prêtres dans les paroisses mais elles affirment toutes, en même temps, que le discours de l’Eglise  hiérarchique les rebute.

Il faudrait faciliter  une présence aux couples en crise. Faudrait-il  créer des services d’écoute pour les « couples en crise »,  à la manière des équipes d’accompagnement des familles en deuil ? (après formation indispensable).

Pourquoi interdire à des couples remariés après divorce de participer aux équipes de préparation au mariage ? Ils ont pourtant   une expérience riche à apporter. Certes il ne faut pas qu’ils soient les seuls dans la préparation !

Nous constatons que beaucoup de jeunes à la marge sur le plan de la foi (ce sont ceux que le Pape François veut rencontrer à la périphérie) souhaitent une « belle cérémonie » pour fêter leur union,  mais pas forcément un sacrement. Pourrait-on leur proposer une fête et un cheminement  catéchuménal comme pour le baptême des adultes ? Ce chemin pourrait aboutir  éventuellement au sacrement de mariage. Le mariage c’est la base de la solidarité humaine : les crises de l’emploi notamment sont souvent prises en charge, de fait,  par la solidarité familiale.

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4. Sur la pastorale pour affronter certaines situations matrimoniales difficiles

a)      Le concubinage ad experimentum est-il une réalité pastorale importante dans votre Église particulière ? À quel pourcentage pourrait-on l’estimer numériquement ?

b)      Existe-t-il des unions libres, sans reconnaissance aucune, ni religieuse ni civile ? Y-a-t-il des données statistiques sûres ?

Proposer l’Évangile sur la famille s’avère plus que jamais urgent et nécessaire. L’importance du thème se manifeste par le fait que le Saint-Père ait décidé d’établir pour le Synode des Évêques un itinéraire de travail en deux étapes: la première, l’Assemblée Générale Extraordinaire de 2014, visant à préciser le “status quaestionis” et à recueillir les témoignages et les propositions des Évêques pour annoncer et vivre de manière crédible l’Évangile de la famille ; la seconde, l’Assemblée Générale Ordinaire de 2015, pour chercher des lignes d’action pour la pastorale de la personne humaine et de la famille.

 Le concubinage est la pratique courante dans notre société actuelle. Parfois il est définitif (avec ou sans Pacs) et semble en progression. Le pourcentage doit en être connu de l'Insee. Parfois il est temporaire mais de durée variable pour plus de 95% des couples avant mariage civil et religieux.

c) Les séparés et les divorcés remariés sont-ils une réalité pastorale importante dans votre Église particulière ?

À quel pourcentage pourrait-on l’estimer numériquement ? Comment affronter cette réalité au moyen de programmes pastoraux adaptés ?

d) Dans tous ces cas, comment les baptisés vivent-ils leur situation irrégulière ? Ils en sont conscients ? Manifestent-ils simplement de l’indifférence ? Se sentent-ils écartés et vivent-ils avec souffrance l’impossibilité de recevoir les sacrements ?

e) Quelles sont les demandes que les personnes divorcées et remariées adressent à l’Église à propos des sacrements de l’Eucharistie et de la réconciliation ? Parmi les personnes qui se trouvent dans ces situations, combien demandent ces sacrements ?


Les divorces, fréquents après mariage civil (47% des cas)  sont aussi une réalité importante après mariage religieux (plus de 35 à 40%), suivis de remariage dans 2/3 des cas.

Notre groupe relève que ce n'est pas le Christ qui a institué le mariage mais l'Eglise (IXème siècle). Pourquoi stigmatiser des situations par une « pastorale particulière » ? L'Eglise   devrait,   non   « catégoriser»   mais   accueillir   des   personnes   dans   leur singularité. La vocation de l'Eglise est « universelle ». Les personnes connaissant ou ayant connu des difficultés ne sont-elles pas avant tout des hommes et des femmes « en chemin » comme chacune et chacun ? Pour celles (les plus rares) qui persistent dans une pratique religieuse, la plupart ressentent non seulement une souffrance mais aussi et surtout une incompréhension des « règlements de l'Eglise » (refus de sacrements), sentiment partagé par bien des croyants et incroyants de leurs entourages. 

f) La simplification de la pratique canonique pour la reconnaissance de la déclaration de nullité du lien matrimonial pourrait-elle offrir une réelle contribution positive à la solution des problèmes des personnes concernées? Si oui, sous quelles formes?

g) Existe-t-il une pastorale spécifique pour traiter ces cas ? Comment cette activité pastorale se déroule-t-elle ? Existent-ils des programmes à ce propos au niveau diocésain et national ? Comment la miséricorde de Dieu est-elle annoncée aux personnes séparées et aux divorcés remariés ; comment le soutien de l’Église dans leur cheminement de foi est-il mis en acte ? 

Les reconnaissances en nullité de mariage nous semblent un comble d’hypocrisie dans bien des cas !

Une « simplification canonique » ne résoudra rien, tant pour le couple que pour les enfants et l'entourage. Pourquoi déclarer invalide un mariage qui a existé (même dans sa dimension spirituelle) au risque de blesser les personnes (époux et enfants) ? Ce qui est à annuler c’est la sacramentalité   ;  comment pourrait-on « annuler » la vie de ce couple en ses premières années ? Qu’on dise que le mariage n’était pas sacramentel  OUI  ! qu’on dise que ce qui s’est vécu, c’était  « nul »   NON !

Jésus a accueilli tout le monde. Pourquoi une pastorale particulière et stigmatisante ? L’Eglise déploie une grande énergie à tenter de résoudre les problèmes qu’elle a créés elle-même   :   sacralisation   rapide   des   mariages   religieux   et   refus   obstiné   de réconciliations. Lorsqu'on parle de miséricorde il faut se souvenir que la miséricorde de Dieu passe  par  la  bonté  des personnes   (et  donc de  nous tous,  membres de l'Eglise).

L’Eglise orthodoxe a  une pratique différente de la nôtre. Nous aurions probablement à entendre ce qu’elle peut nous dire à ce sujet.

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5. Sur les unions de personnes du même sexe
a : Existe-t-il dans votre pays une loi civile qui reconnaisse aux unions de personnes du même sexe une quelconque équivalence au mariage ?

Une loi a été votée en France sur le mariage civil 

b : Quel est le comportement des Églises particulières et locales tant envers l’État promoteur d’unions civiles entre personnes du même sexe, qu’envers les personnes impliquées dans ce type d’union ?

L'Eglise (cf. articles du catéchisme) est opposée à l'union homosexuelle. Elle dit que Dieu réprouve l'homosexualité mais Dieu n'est-il pas trop souvent le « refuge de l'ignorance »? Toutefois des baptisés, prêtres et laïcs,  accueillent positivement les personnes et les couples homosexuels.

c : Quel est le comportement des Églises particulières et locales tant envers l’État promoteur d’unions civiles entre personnes du même sexe, qu’envers les personnes impliquées dans ce type d’union ?

Ne pourrait-on envisager un accueil et une bénédiction qui soit leur adaptée ? 

d : En cas d’unions entre personnes du même sexe qui aient adopté des enfants quel comportement pastoral tenir en vue de la transmission de la foi ?

Cette question nous a paru « inadmissible ». Les enfants doivent être accueillis

(catéchèse et sacrements) sans  stigmatisation, quelle que soit leur situation familiale. 

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7. Sur l’ouverture des époux à la vie. 

Il conviendrait de parler, non pas de paternité, mais de parentalité responsable…

La  doctrine  morale  de  Humanae  Vitae    n’est  pas  acceptée  par  la  plupart  des chrétiens, y compris pratiquants ; beaucoup ont quitté l’Eglise à cause d’elle. Les plus jeunes ne la connaissent pas ! 

Il nous semble que l’Eglise doive prôner la qualité de l’amour entre deux êtres et appeler à un idéal de vie, et non pas faire une évaluation morale des méthodes de régulation des naissances.

Chaque couple est un cas particulier et doit en conscience adopter celle qui convient le mieux  pour l’accomplissement de sa relation.

Les modes de vie contemporains rendent difficiles l’observance des méthodes dites naturelles et l’éducation civile ne les retient pas comme fiables.

Il   faut   promouvoir   une   mentalité   ouverte   envers   la   natalité   sans   favoriser systématiquement la croissance des naissances, du moins au niveau mondial. 

Des chrétiens s’éloignent de l’Eglise à cause de sa position sur l’assistance médicale à la  procréation,  pour  d’autres  qui  recourent  à  ces  méthodes  c’est  un  surcroît d’angoisse et de souffrance.

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8. Sur le rapport entre la famille et la personne

c)      Quelles situations critiques de la famille dans le monde d’aujourd’hui peuvent-elles devenir un obstacle à la rencontre de la personne avec le Christ ?

Il y a des paroles de l’Eglise  sur des situations familiales qui sont insupportables : par ex, la condamnation, encore aujourd’hui, de  la contraception.  Le sensus fidei n’a pas été respecté sur cette question. Beaucoup de déclarations de l’Eglise sur la sexualité sont irrecevables par les familles.

La condamnation des homosexuels par des responsables d’Eglise éloigne du Christ les familles dans lesquelles ils vivent.

Les discours  intransigeants ne tiennent pas compte de la personne dans sa situation et l’éloignent souvent du Christ et de l’Eglise, au lieu d’annoncer la miséricorde. La maladie et la mort sont des situations qui peuvent entraîner des réactions de révolte, situations auxquelles les communautés ecclésiales doivent être particulièrement attentives.

Les familles qui  ont un enfant handicapé peuvent, du fait de cette souffrance, s’éloigner du Christ.

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9. Autres défis et propositions

La célébration des obsèques est un lieu et un moment privilégiés pour accueillir la diversité des situations familiales avec leurs ratés et leurs échecs et pour y dire l’amour de Dieu ;

Des réalités qui se posent aux familles ne sont pas évoquées par ce questionnaire (par ex les familles recomposées, les familles monoparentales...)

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le 9 janvier 2014

mis en ligne le 7 février 2014, par Jean Derouault